Pour beaucoup de salariés le manque de pouvoir, ou le manque d’autonomie semblent être une des causes essentielles de leur mal-être, de leur désengagement. Est-ce réellement bien le cas ?
Le pouvoir de nuisance n’est-il pasune manifestation déguisée de leur réel pouvoir ? Ce pouvoir de nuisance est-il au service de la performance ?
François DUPUY définissait, dans un de ses ouvrages, la grève du zèle ainsi : « c’est lorsque les salariés suivent les procédures ».
Cette définition suscite des interrogations :
- Le pouvoir de nuisance est-il reconnu ? accepté ? subi ?
- Est-il utilisé le plus souvent de manière positive ou négative ?
Pour illustrer ces interrogations je souhaite partager une histoire réelle se déroulant dans une PME industrielle.
Je demandais à un responsable d’équipe, à l’occasion de son départ à la retraite, de bien vouloir me révéler si mes suppositions sur les erreurs de fabrication qui se produisaient occasionnellement étaient bien volontaires. A ma grande surprise il accepta de me livrer la vérité et me tint les propos suivants.
« Il y a des mois qui sont difficiles pour les opérateurs. Les primes se font de plus en plus rares et les augmentations sont de plus en plus faibles alors qu’on leur demande de faire plus. La seule solution qui me restait pour tenir les équipes et les résultats était de déclencher des défauts de fabrication pour générer des retouches, génératrices d’heures supplémentaires pour satisfaire le quota de production. Je savais que je n’aurai aucun problème pour trouver des volontaires pour faires ces heures supplémentaires et tout le monde était content : la direction parce que je trouvais des volontaires et résolvais les problèmes rapidement, les opérateurs parce qu’ils pouvaient bénéficier d’un complément de rémunération qui correspondait à leur yeux à une juste rétribution, et moi parce que j’avais trouvé le moyen de pouvoir répondre à une situation que je considérais injuste financièrement au regard du travail fourni, sans bloquer la production et pour laquelle la Direction était de plus en plus sourde. »
Il m’a précisé que pour être crédible et ne pas éveiller de soupçons, il le faisait au maximum tous les trois mois et utilisait le système en place à savoir les procédures dites standards. Ces derniers étaient un alibi officiel pour expliquer l’erreur de fabrication :. « les standards ne sont pas clairs ! ».
Ainsi le responsable des méthodes venait auditer sur les raisons des erreurs pour corriger les standards existants afin de les rendre plus opérationnels alors que sur le terrain tout le monde connaissait bien la cause !
Que retenir de cette histoire ?
- Le fait que chacun puisse utiliser son pouvoir au détriment de l’autre favorise un statut quo parce qu’il permet à chacun de faire globalement ce qu’il veut mais au prix d’une performance dégradée.
- Un désaccord, non pris en compte par celui qui impose une décision génère quasi systématiquement une contre réaction, difficilement mesurable, qui favorise une performance dégradée.
- L’absence de possibilités, voire de volonté de trouver un accord acceptable, fait que l’entreprise se satisfait consciemment mais très souvent inconsciemment d’une performance dégradée et ne cherche pas à identifier ces indicateurs de non performance.
- Tous les salariés disposent d’un pouvoir de nuisance mais il est très rarement utilisé à son optimum parce qu’ils n’en ont pas forcément conscience et surtout parce que la grande majorité veut le bien de l’entreprise.
S’il est difficile de mesurer la performance du bien-être au travail, il est aussi difficile de mesurer les impacts des pouvoirs de décision et de nuisance.
D’après le sondage GALLUP 9% des salariés français se disent engagés, 26% complètement désengagés et 65% pas engagés. Et si l’engagement était aussi une forme du pouvoir de nuisance ?
Bien évidemment la solution n’est pas évidente, toutefois adopter plus souvent une posture d’apprenant et favoriser le partage collectif avant de prendre une décision pourrait contribuer à y remédier partiellement.